PLEINE LUNE
Je suis pleine et ronde
Lourde et enceinte
De projets et d'idées
Qui germent à chaque instant
De promesses non tenues
Dans l'ivresse des premières chaleurs
La pleine lune toujours joyeuse
Nous présente son show céleste :
Des boules brillantes
Qui jouent au jokari.
Ivresse de l'air doux de la nuit
Chaleur des rayons du jour
Alternance, pulsation
Mise en mouvement du sens de la Vie.
PAYS DES MERVEILLES
Pays des merveilles
Où l'herbe agitée par le vent
Jette ses graines en ployant de rire
Il fait chaud au mois d'août
Et le bourdonnement des petites bêtes
Témoigne du bouillonnement
Du volcan intérieur
Petites fleurs roses des montagnes filantes
Poussent vers le ciel
Tu t'étends dans la fourrure de la terre
Bel-amant vert et jaune,
Couleurs du renouveau, du rayonnement
Au sommet de l'été.
LA VIE EST UN PEAU-AIME
La Vie est un peau-aime
Elle incite à rêver
Rêver d'une autre Terre
Où il fait bon caresser l'herbe tendre
Et la joue d'un bébé...
Rêver d'être plusieurs à danser en rond dans la rosée...
A tenter d'apporter quelques graines de sacré
Loin des écrans et des klaksons de la cité
Proposer autre chose que des vies désincarnées
Métro, bourreaux, bobo, dodo
Décoller des marais-cages et déployer
Les ailes de son imagine-air..
Se laisser porter par le doux vent de l'Esprit
Qui nous inspire le meilleur, parce que nous le méritons !
Humains que nous sommes...
Il suffit d'y croire, de croire en nos potes-en-ciel réunis en nous possibles
Pour faire fleurir notre jardin d'Eden
Un jardin partagé où les rêves peuvent, en toute liberté, en tout amour,
S'exprimer en conscience.
Aimer la peau, c'est aimer la Vie,
La toucher, c'est animer la matière et en donner le sens,
Rendre hommage à notre essence :
Le rêve de la vie-même en nous manifestée !
Je suis pleine et ronde
Lourde et enceinte
De projets et d'idées
Qui germent à chaque instant
De promesses non tenues
Dans l'ivresse des premières chaleurs
La pleine lune toujours joyeuse
Nous présente son show céleste :
Des boules brillantes
Qui jouent au jokari.
Ivresse de l'air doux de la nuit
Chaleur des rayons du jour
Alternance, pulsation
Mise en mouvement du sens de la Vie.
PAYS DES MERVEILLES
Pays des merveilles
Où l'herbe agitée par le vent
Jette ses graines en ployant de rire
Il fait chaud au mois d'août
Et le bourdonnement des petites bêtes
Témoigne du bouillonnement
Du volcan intérieur
Petites fleurs roses des montagnes filantes
Poussent vers le ciel
Tu t'étends dans la fourrure de la terre
Bel-amant vert et jaune,
Couleurs du renouveau, du rayonnement
Au sommet de l'été.
LA VIE EST UN PEAU-AIME
La Vie est un peau-aime
Elle incite à rêver
Rêver d'une autre Terre
Où il fait bon caresser l'herbe tendre
Et la joue d'un bébé...
Rêver d'être plusieurs à danser en rond dans la rosée...
A tenter d'apporter quelques graines de sacré
Loin des écrans et des klaksons de la cité
Proposer autre chose que des vies désincarnées
Métro, bourreaux, bobo, dodo
Décoller des marais-cages et déployer
Les ailes de son imagine-air..
Se laisser porter par le doux vent de l'Esprit
Qui nous inspire le meilleur, parce que nous le méritons !
Humains que nous sommes...
Il suffit d'y croire, de croire en nos potes-en-ciel réunis en nous possibles
Pour faire fleurir notre jardin d'Eden
Un jardin partagé où les rêves peuvent, en toute liberté, en tout amour,
S'exprimer en conscience.
Aimer la peau, c'est aimer la Vie,
La toucher, c'est animer la matière et en donner le sens,
Rendre hommage à notre essence :
Le rêve de la vie-même en nous manifestée !
L’Archange-danseur du 14 juillet
Elle avait attendu une bonne heure. Espérant convaincre une amie, écrivaine argentine exilée à Paris, de l’accompagner danser la samba au studio de l’Ermitage, dans le quartier art-populaire du 20ème arrondissement. Mais celle-ci, indécise et un peu lasse, avait opté pour le retour dans son trois-pièces du 14ème. Toutes deux avaient passé l’après-midi du 13 juillet à faire des cartons pour aider une amie qui déménageait dans la semaine. Sabia sortait depuis quelque temps avec un homme, qui avait la migraine et n’était donc pas non plus disponible pour l’accompagner. Il était donc lui aussi resté dans son appartement, au nord-ouest de Paris, gardé par son chien, un énorme labrador crème, affable mais très envahissant. Ce n’était pas la première fois que Sabia s’apprêtait à sortir danser sans chaperon au 14 juillet. La jeune quarantenaire en paraissant 30 était fan des bals de pompiers et avait bien du mal à entrainer amies ou petit-ami dans son enthousiasme surané. Mais son sens de l’aventure et de la joie était trop présent pour qu’elle laisse passer cette date sans faire la fête. Une date fétiche pour elle puisque l’homme qu’elle avait follement aimé, dans sa vingtaine, lui avait fait l’amour pour la première fois, un quatorze juillet. André, il s’appelait. L’ « Andros », en grec. Fort de fruits juteux, ceux du plaisir sexuel partagé. Un initiateur à son bon plaisir. Ils s’étaient quittés bien des années auparavant mais son empreinte était restée dans chaque cellule de son corps pendant des années. Depuis, elle avait rencontré d’autres hommes au 14 juillet. Un jeune chanteur métissé qui l’avait enchanté tout l’été jusqu’à sa disparition soudaine et inexpliquée. Et puis, elle avait perdu un ami très cher, trois ans auparavant et depuis, elle n’avait plus envie d’aller célébrer la fête nationale. Non, elle n’en avait plus le goût. Et puis, trois ans plus tard, sur le coup de fil de son réseau « samba », elle avait absolument envie d’y aller. Même seule.
En entrant dans ce lieu de concert de son quartier, elle remarqua immédiatement les énormes gâteaux à la crème rosâtre et jaune : le groupe de roda de samba fêtait son anniversaire ! Peu de monde ce jour-là. Tant mieux. Plus d’espace pour se mouvoir, et pour se voir. On n’avait tellement pas la place pour se regarder à Paris, dans la foule, se dit-elle. En voyant à côté d’elle une belle brésilienne tournoyer dans sa belle jupe de coton à plis blanche, elle regretta de n’avoir eu le temps de se changer. Elle portait un pantalon de toile marron des plus élémentaires, un tee-shirt blanc bordé de dentelle et pardessus, un top en satin vert bouteille, très seyant. A ses pieds, au lieu des escarpins qui auraient « fait chic », elle jeta un coup d’œil un peu dégoûté à ses baskets marron à bande mais en même temps, vu le sol baptisé depuis plus de trois heures par les bières et les caïpirinhas des danseurs, elle ne put s’empêcher de s’en féliciter secrètement. Et tant pis pour le perfectionnisme et le glamour. Après avoir étreint sa copine Coco, organisatrice de soirées brésiliennes et vraie blonde qui l’avait informé de son départ prochain pour Rio de Janeiro pour les vacances, elle était rapidement montée poser son sac à sa table. Puis redescendue en même temps qu’un deuxième gâteau tout aussi carré et immense que le premier qu’elle avait aperçu en entrant. C’est alors qu’Il lui tomba dessus. Le Dieu de la samba en personne. Bahianais, beau à mourir, tout sourire dehors. Borsalino de paille noir. Il lui fondit dessus sans prévenir. Comme dans une comédie musicale de Gene Kelly, avec un mouvement rapide de jambes qui ressemblait aux claquettes. Un déhanché inimitable et un air de professionnel de Hollywood. Et cet acteur, on ne sait pourquoi, avait décidé qu’il allait danser avec cette (f)éthérée. Amusée par le personnage, elle pensa qu’elle avait beaucoup de chance car il était la Samba même. Le Dieu des danseurs sur Terre. Et pourtant, avec elle, il ralentissait son pas compliqué. Il s’harmonisait à son rythme à elle. Il se fondait dans ses pas. Il s’arrangea pour qu’elle puisse se détendre à l’abri de son grand corps musclé. Ils fusionnèrent immédiatement dans une samba sensuelle et ludique. De temps en temps, il tournait brusquement la tête à droite ou bien à gauche, ou bien lâchait sa partenaire pour tournoyer de son côté. Pour mieux la retrouver. Elle était aux anges. Le partenaire de danse idéal. Patient, fantaisiste, et pourtant, ferme et attentionné. En plus, il connaissait tous les airs et chantait dans son oreille. Elle comprit vite qu’il était de Bahia. Salvador de Bahia, où elle était déjà allée deux fois. La première fois, avec un ami homo. Trois jours dans un circuit de deux semaines. Elle avait fumé sa première cigarette et pleuré dans leur petit hôtel de passe dans le Pelourinho, le centre historique de Salvador, quand il avait fallu partir. Elle s’était juré de revenir plus longtemps. La fois suivante, quatre ans plus tard, elle était accompagnée d’un bel amérindien d'Amazonie rencontré à Rio un mois auparavant dans la rue. Ils avaient décidé pendant leur séjour à Salvador de se marier et ne plus se quitter. Mais leur union n’avait pas survécu la traversée de l’Atlantique et le minuscule deux pièces parisien avait achevé d’étouffer leur amour sous le chaud soleil de cet été-là à Paris. Depuis, il était quelque part en Europe. Professeur de capoeira. Elle aimait toujours écouter de la musique brésilienne, quitte à pleurer, souvent. Toujours. Ce soir-là, elle constata que ne restait que le plaisir du souvenir de Salvador. De la ville musicienne dans son âme, artiste de son histoire, qu’elle gardait au cœur et au corps. En même temps, elle connaissait bien le caractère du bahianais décrit largement dans les chansons... « Sensuel, comédien, séducteur, menteur, mais tellement charmant ! ». Elle en avait un portait vivant en face d’elle et jouissait de la contemplation de ce tableau qui enserrait sa taille si élégamment. Les coups d’œil amusés des habituées ne trompaient pas : pas de jalousie ici mais plutôt, une reconnaissance complice de la beauté, quelle que soit son expression.
Le beau bahianais commença d’abord par faire le timide quand elle le complimenta sur son sens de la danse. Non, ses parents avaient eux, la danse dans le sang. Il n’avait rien faire pour « mériter » ce don. En revanche, il ne tarda pas à lui montrer des photos de sa vie présente casées dans son portable. Lui, avec le casque de chantier, sur des échafaudages. L’expert en toits des villes du monde, c’est lui. A échafauder sa vie telle qu’il l’imagine. L’archange André tombé du ciel mais resté près des énergies cosmiques : le vent, la pluie, l’orage, les éclairs, le froid, le chaud, il ne craint rien puisqu’il est éternel. A l’aide de son cheval Spartacus, porté en breloque dorée autour du cou, il chevauche des siècles d’histoire pour me prouver son éternité. Il a vu l’homme des cavernes, Platon, tout ça. Il lui dit qu’elle ressemble un peu à Catherine de Russie. Ah bon ? Elle éclate de rire, détendue et gaie. Plus tard dans la soirée, il décide qu’elle ne ressemble pas à Catherine de Russie, trop « impériale » mais plutôt à la déesse grecque Athéna. Toujours aussi guerrière ! La parisienne s’amuse de plus en plus au contact du beau brésilien. Elle lui donne 20-25 ans au plus et il en avoue 35 mais se fâche quand elle dit en riant qu’elle est plus vieille que lui. De toute façon, pour lui l’âge ne veut rien dire puisque « nous sommes éternels ». Il dit qu’il se sent comme le saumon qui retourne à ses origines. La française ne rit pas : elle sent que c’est vrai. Ce sont des retrouvailles de vieilles âmes. C’est pourquoi leur étreinte dégage une si belle énergie. Ensemble, ils se régénèrent comme des piles solaires. C’est alors qu’il lui dit : « Je suis l’archange Andrea ». Avec moi, tu es protégée de tout. De la tristesse, du mal. Tout à l’heure je suis venu danser avec toi car tu étais triste. N’aie pas peur. »
Et puis, il lui propose d'aller prendre une photo d'eux à la Tour Eiffel, et de prendre des vacances pour faire l'amour pendant une semaine… L'offre est tentante mais...la peur est plus forte que la douceur des baisers passionnés échangés sur le trottoir. Et puis, ce relent doux-amer de culpabilité...Elle n'est pas vraiment célibataire. Elle est censée être en couple, sauf que son couple a pris du plomb dans l'aile. On pourrait même dire qu'il a du mal à prendre son envol. Son chéri actuel est cloué au lit par une de ses fameuses migraines post-réunions de famille qui l'empêchent de l'accompagner et de célébrer la vie avec elle. Encore une fois. Son mental joue les empêcheurs de jouir en rond régulièrement. Elle a l'impression depuis plusieurs mois déjà de traîner un boulet et c'est pour ça qu'elle a rencontré cet archange brésilien qui joue les remake dans sa vie. Pour « l'effet papillon ». L'effet « couleurs, vie, insouciance, sexe sans limites ». Elle se fait parfois l'effet elle-même d'un oiseau ou un papillon tropical vivant dans une serre. Certes, il peut voler, mais le plafond du ciel est bas, gris et grillagé. Il donne sur les toits de Paris. Elle est, sans aucun doute, en sécurité avec son gentil « frère » qu'elle s'est choisie. Histoire de ne pas quitter son appartement parisien trop vite alors qu'elle rêve de s'installer dans le Sud depuis des années. Vite, Sabia sonde le fond de son cœur tout en ressentant au fond de ses entrailles tout le plaisir promis par leurs futures étreintes juste en goûtant sa langue brune...Un quart d'heure, une demi-heure, une éternité passe à flotter ensemble dans le même océan, à partager leur ADN. Il continue, le bougre, à lui mordiller l'oreille et à lui promettre le 7ème Ciel une fois au sommet de la Tour Eiffel. Argh, le cœur de de Sabia bat une bacutada frénétique avec mouvement périphériques pour ne pas se noyer dans une passion qui ne durerait qu'une semaine tout au plus. Alors qu'elle essaie -difficilement mais bravement- de construire une « relation durable, écologiquement humaine- avec un homme depuis des mois. Va-t-elle prendre le risque de tout perdre pour une aventure d'un soir ou d'une semaine tout au plus ? Est-ce que le jeu en vaut de brûler la chandelle par les deux bouts ou bien la raison doit-elle prendre le pas sur la passion ?
A une heure et demie, après moult tempête sous un crâne et un torrent dans sa petite culotte, Samba se décide. Elle s'arrache d'elle-même à cette tentation irrésistible de s'envoyer en l'air avec un archange, et de retrouver le pavé du trottoir la menant à son appartement. Elle lui dit « merci », peut-être, elle ne se souvient pas. C'est comme si on lui arrachait les ailes. Une partie d'elle-même, reste planté là, à la regarder s'éloigner rapidement, le regard plein d'incompréhension, de tristesse, de reproche. Elle ne se retournera plus. Elle n'a plus qu'à intégrer le message de l'Archange et mettre plus de légèreté dans sa vie. Il lui faudra encore presque un an pour le faire. Pour oser s'envoler du ventre de Paris et accoucher d'une nouvelle Sabia dans le Sud de la France.
Trois ans plus tard, elle revint un dimanche faire un tour à l'Ermitage, profitant d'un court séjour dans la capitale pour renouer avec sa passion de la samba. Et elle dansa dansa dansa. En dansant, elle aperçut un jeune homme brésilien très jeune et beau avec un borsalino qui lui souriait de loin. Elle se dit « non, quand même, tu délires, il est bien trop jeune pour te draguer, arrête tes films ». Et puis elle continua à danser. Et à la pause, en sortant prendre de l'air enfumé sur le trottoir mouillé, elle se fit interpeller par une brésilienne à l'accent caractéristique de Salvador de Bahia ! Sabia, aux anges, se mit à converser rapidement avec cette voyageuse qui lui demanda si c'était vrai qu'elle avait failli se marier avec un indien d'Amazonie. Sabia était stupéfaite : comment pouvait-elle savoir ? Etait-elle clairvoyante ? Medium ? ». Le beau jeune homme s'avança alors. « C'est mon amie dit-il. Tu ne te souviens pas de moi ? » Sabia le regarda alors sans vergogne de la tête aux pieds, admirant de près ce beau danseur qu'elle avait -bien- remarqué de loin. Se régalant de sa belle présence. Mais...rien de rien ne lui vint au cerveau. Aucun souvenir, aucune mémoire, rien de rien ! Le jeune brésilien, vexé, lui dit alors qu'ils avaient passé des heures à s'embrasser dans la rue. Est-ce qu'elle ne s'en souvenait pas ? Lui, oui, visiblement…C'est alors que le voile tomba. Sabia se sentit honteuse de ne pas s'être rappelée ce moment magique, cette rencontre qui l'avait tant troublée, tourmentée et remuée sur le moment. Rencontre qu'elle avait aussitôt effacée de sa mémoire après l'avoir couchée sur le papier. Parce qu'il le fallait. Parce qu'elle devait faire semblant de croire à son histoire du moment. Qu'elle ne voulait plus vivre dans le passé, au Brésil. Qu'elle voulait oublier le mariage annulé avec l'Indien d'Amazonie. Elle voulait oublier le chagrin, la douleur du passé que son Archange du 14 juillet avait rouvert en ouvrant ses lèvres sur un trottoir parisien. Et là, trois ans après, le passé était éternellement présent. Mais l'émotion, l'étincelle qui l'avait attirée vers le beau danseur ce dimanche-là, n'était plus là. Elle resta stupéfaite, gênée, se sentant vaguement coupable de ne pas l'avoir gardé dans sa mémoire. Un Archange était passé. Il avait délivré son message. Et n'avait pas laissé de trace dans son âme. Tout était accompli. Sabia était en paix dans son cœur. Elle avait dit adieu au Brésil et elle ne le savait pas...
Elle avait attendu une bonne heure. Espérant convaincre une amie, écrivaine argentine exilée à Paris, de l’accompagner danser la samba au studio de l’Ermitage, dans le quartier art-populaire du 20ème arrondissement. Mais celle-ci, indécise et un peu lasse, avait opté pour le retour dans son trois-pièces du 14ème. Toutes deux avaient passé l’après-midi du 13 juillet à faire des cartons pour aider une amie qui déménageait dans la semaine. Sabia sortait depuis quelque temps avec un homme, qui avait la migraine et n’était donc pas non plus disponible pour l’accompagner. Il était donc lui aussi resté dans son appartement, au nord-ouest de Paris, gardé par son chien, un énorme labrador crème, affable mais très envahissant. Ce n’était pas la première fois que Sabia s’apprêtait à sortir danser sans chaperon au 14 juillet. La jeune quarantenaire en paraissant 30 était fan des bals de pompiers et avait bien du mal à entrainer amies ou petit-ami dans son enthousiasme surané. Mais son sens de l’aventure et de la joie était trop présent pour qu’elle laisse passer cette date sans faire la fête. Une date fétiche pour elle puisque l’homme qu’elle avait follement aimé, dans sa vingtaine, lui avait fait l’amour pour la première fois, un quatorze juillet. André, il s’appelait. L’ « Andros », en grec. Fort de fruits juteux, ceux du plaisir sexuel partagé. Un initiateur à son bon plaisir. Ils s’étaient quittés bien des années auparavant mais son empreinte était restée dans chaque cellule de son corps pendant des années. Depuis, elle avait rencontré d’autres hommes au 14 juillet. Un jeune chanteur métissé qui l’avait enchanté tout l’été jusqu’à sa disparition soudaine et inexpliquée. Et puis, elle avait perdu un ami très cher, trois ans auparavant et depuis, elle n’avait plus envie d’aller célébrer la fête nationale. Non, elle n’en avait plus le goût. Et puis, trois ans plus tard, sur le coup de fil de son réseau « samba », elle avait absolument envie d’y aller. Même seule.
En entrant dans ce lieu de concert de son quartier, elle remarqua immédiatement les énormes gâteaux à la crème rosâtre et jaune : le groupe de roda de samba fêtait son anniversaire ! Peu de monde ce jour-là. Tant mieux. Plus d’espace pour se mouvoir, et pour se voir. On n’avait tellement pas la place pour se regarder à Paris, dans la foule, se dit-elle. En voyant à côté d’elle une belle brésilienne tournoyer dans sa belle jupe de coton à plis blanche, elle regretta de n’avoir eu le temps de se changer. Elle portait un pantalon de toile marron des plus élémentaires, un tee-shirt blanc bordé de dentelle et pardessus, un top en satin vert bouteille, très seyant. A ses pieds, au lieu des escarpins qui auraient « fait chic », elle jeta un coup d’œil un peu dégoûté à ses baskets marron à bande mais en même temps, vu le sol baptisé depuis plus de trois heures par les bières et les caïpirinhas des danseurs, elle ne put s’empêcher de s’en féliciter secrètement. Et tant pis pour le perfectionnisme et le glamour. Après avoir étreint sa copine Coco, organisatrice de soirées brésiliennes et vraie blonde qui l’avait informé de son départ prochain pour Rio de Janeiro pour les vacances, elle était rapidement montée poser son sac à sa table. Puis redescendue en même temps qu’un deuxième gâteau tout aussi carré et immense que le premier qu’elle avait aperçu en entrant. C’est alors qu’Il lui tomba dessus. Le Dieu de la samba en personne. Bahianais, beau à mourir, tout sourire dehors. Borsalino de paille noir. Il lui fondit dessus sans prévenir. Comme dans une comédie musicale de Gene Kelly, avec un mouvement rapide de jambes qui ressemblait aux claquettes. Un déhanché inimitable et un air de professionnel de Hollywood. Et cet acteur, on ne sait pourquoi, avait décidé qu’il allait danser avec cette (f)éthérée. Amusée par le personnage, elle pensa qu’elle avait beaucoup de chance car il était la Samba même. Le Dieu des danseurs sur Terre. Et pourtant, avec elle, il ralentissait son pas compliqué. Il s’harmonisait à son rythme à elle. Il se fondait dans ses pas. Il s’arrangea pour qu’elle puisse se détendre à l’abri de son grand corps musclé. Ils fusionnèrent immédiatement dans une samba sensuelle et ludique. De temps en temps, il tournait brusquement la tête à droite ou bien à gauche, ou bien lâchait sa partenaire pour tournoyer de son côté. Pour mieux la retrouver. Elle était aux anges. Le partenaire de danse idéal. Patient, fantaisiste, et pourtant, ferme et attentionné. En plus, il connaissait tous les airs et chantait dans son oreille. Elle comprit vite qu’il était de Bahia. Salvador de Bahia, où elle était déjà allée deux fois. La première fois, avec un ami homo. Trois jours dans un circuit de deux semaines. Elle avait fumé sa première cigarette et pleuré dans leur petit hôtel de passe dans le Pelourinho, le centre historique de Salvador, quand il avait fallu partir. Elle s’était juré de revenir plus longtemps. La fois suivante, quatre ans plus tard, elle était accompagnée d’un bel amérindien d'Amazonie rencontré à Rio un mois auparavant dans la rue. Ils avaient décidé pendant leur séjour à Salvador de se marier et ne plus se quitter. Mais leur union n’avait pas survécu la traversée de l’Atlantique et le minuscule deux pièces parisien avait achevé d’étouffer leur amour sous le chaud soleil de cet été-là à Paris. Depuis, il était quelque part en Europe. Professeur de capoeira. Elle aimait toujours écouter de la musique brésilienne, quitte à pleurer, souvent. Toujours. Ce soir-là, elle constata que ne restait que le plaisir du souvenir de Salvador. De la ville musicienne dans son âme, artiste de son histoire, qu’elle gardait au cœur et au corps. En même temps, elle connaissait bien le caractère du bahianais décrit largement dans les chansons... « Sensuel, comédien, séducteur, menteur, mais tellement charmant ! ». Elle en avait un portait vivant en face d’elle et jouissait de la contemplation de ce tableau qui enserrait sa taille si élégamment. Les coups d’œil amusés des habituées ne trompaient pas : pas de jalousie ici mais plutôt, une reconnaissance complice de la beauté, quelle que soit son expression.
Le beau bahianais commença d’abord par faire le timide quand elle le complimenta sur son sens de la danse. Non, ses parents avaient eux, la danse dans le sang. Il n’avait rien faire pour « mériter » ce don. En revanche, il ne tarda pas à lui montrer des photos de sa vie présente casées dans son portable. Lui, avec le casque de chantier, sur des échafaudages. L’expert en toits des villes du monde, c’est lui. A échafauder sa vie telle qu’il l’imagine. L’archange André tombé du ciel mais resté près des énergies cosmiques : le vent, la pluie, l’orage, les éclairs, le froid, le chaud, il ne craint rien puisqu’il est éternel. A l’aide de son cheval Spartacus, porté en breloque dorée autour du cou, il chevauche des siècles d’histoire pour me prouver son éternité. Il a vu l’homme des cavernes, Platon, tout ça. Il lui dit qu’elle ressemble un peu à Catherine de Russie. Ah bon ? Elle éclate de rire, détendue et gaie. Plus tard dans la soirée, il décide qu’elle ne ressemble pas à Catherine de Russie, trop « impériale » mais plutôt à la déesse grecque Athéna. Toujours aussi guerrière ! La parisienne s’amuse de plus en plus au contact du beau brésilien. Elle lui donne 20-25 ans au plus et il en avoue 35 mais se fâche quand elle dit en riant qu’elle est plus vieille que lui. De toute façon, pour lui l’âge ne veut rien dire puisque « nous sommes éternels ». Il dit qu’il se sent comme le saumon qui retourne à ses origines. La française ne rit pas : elle sent que c’est vrai. Ce sont des retrouvailles de vieilles âmes. C’est pourquoi leur étreinte dégage une si belle énergie. Ensemble, ils se régénèrent comme des piles solaires. C’est alors qu’il lui dit : « Je suis l’archange Andrea ». Avec moi, tu es protégée de tout. De la tristesse, du mal. Tout à l’heure je suis venu danser avec toi car tu étais triste. N’aie pas peur. »
Et puis, il lui propose d'aller prendre une photo d'eux à la Tour Eiffel, et de prendre des vacances pour faire l'amour pendant une semaine… L'offre est tentante mais...la peur est plus forte que la douceur des baisers passionnés échangés sur le trottoir. Et puis, ce relent doux-amer de culpabilité...Elle n'est pas vraiment célibataire. Elle est censée être en couple, sauf que son couple a pris du plomb dans l'aile. On pourrait même dire qu'il a du mal à prendre son envol. Son chéri actuel est cloué au lit par une de ses fameuses migraines post-réunions de famille qui l'empêchent de l'accompagner et de célébrer la vie avec elle. Encore une fois. Son mental joue les empêcheurs de jouir en rond régulièrement. Elle a l'impression depuis plusieurs mois déjà de traîner un boulet et c'est pour ça qu'elle a rencontré cet archange brésilien qui joue les remake dans sa vie. Pour « l'effet papillon ». L'effet « couleurs, vie, insouciance, sexe sans limites ». Elle se fait parfois l'effet elle-même d'un oiseau ou un papillon tropical vivant dans une serre. Certes, il peut voler, mais le plafond du ciel est bas, gris et grillagé. Il donne sur les toits de Paris. Elle est, sans aucun doute, en sécurité avec son gentil « frère » qu'elle s'est choisie. Histoire de ne pas quitter son appartement parisien trop vite alors qu'elle rêve de s'installer dans le Sud depuis des années. Vite, Sabia sonde le fond de son cœur tout en ressentant au fond de ses entrailles tout le plaisir promis par leurs futures étreintes juste en goûtant sa langue brune...Un quart d'heure, une demi-heure, une éternité passe à flotter ensemble dans le même océan, à partager leur ADN. Il continue, le bougre, à lui mordiller l'oreille et à lui promettre le 7ème Ciel une fois au sommet de la Tour Eiffel. Argh, le cœur de de Sabia bat une bacutada frénétique avec mouvement périphériques pour ne pas se noyer dans une passion qui ne durerait qu'une semaine tout au plus. Alors qu'elle essaie -difficilement mais bravement- de construire une « relation durable, écologiquement humaine- avec un homme depuis des mois. Va-t-elle prendre le risque de tout perdre pour une aventure d'un soir ou d'une semaine tout au plus ? Est-ce que le jeu en vaut de brûler la chandelle par les deux bouts ou bien la raison doit-elle prendre le pas sur la passion ?
A une heure et demie, après moult tempête sous un crâne et un torrent dans sa petite culotte, Samba se décide. Elle s'arrache d'elle-même à cette tentation irrésistible de s'envoyer en l'air avec un archange, et de retrouver le pavé du trottoir la menant à son appartement. Elle lui dit « merci », peut-être, elle ne se souvient pas. C'est comme si on lui arrachait les ailes. Une partie d'elle-même, reste planté là, à la regarder s'éloigner rapidement, le regard plein d'incompréhension, de tristesse, de reproche. Elle ne se retournera plus. Elle n'a plus qu'à intégrer le message de l'Archange et mettre plus de légèreté dans sa vie. Il lui faudra encore presque un an pour le faire. Pour oser s'envoler du ventre de Paris et accoucher d'une nouvelle Sabia dans le Sud de la France.
Trois ans plus tard, elle revint un dimanche faire un tour à l'Ermitage, profitant d'un court séjour dans la capitale pour renouer avec sa passion de la samba. Et elle dansa dansa dansa. En dansant, elle aperçut un jeune homme brésilien très jeune et beau avec un borsalino qui lui souriait de loin. Elle se dit « non, quand même, tu délires, il est bien trop jeune pour te draguer, arrête tes films ». Et puis elle continua à danser. Et à la pause, en sortant prendre de l'air enfumé sur le trottoir mouillé, elle se fit interpeller par une brésilienne à l'accent caractéristique de Salvador de Bahia ! Sabia, aux anges, se mit à converser rapidement avec cette voyageuse qui lui demanda si c'était vrai qu'elle avait failli se marier avec un indien d'Amazonie. Sabia était stupéfaite : comment pouvait-elle savoir ? Etait-elle clairvoyante ? Medium ? ». Le beau jeune homme s'avança alors. « C'est mon amie dit-il. Tu ne te souviens pas de moi ? » Sabia le regarda alors sans vergogne de la tête aux pieds, admirant de près ce beau danseur qu'elle avait -bien- remarqué de loin. Se régalant de sa belle présence. Mais...rien de rien ne lui vint au cerveau. Aucun souvenir, aucune mémoire, rien de rien ! Le jeune brésilien, vexé, lui dit alors qu'ils avaient passé des heures à s'embrasser dans la rue. Est-ce qu'elle ne s'en souvenait pas ? Lui, oui, visiblement…C'est alors que le voile tomba. Sabia se sentit honteuse de ne pas s'être rappelée ce moment magique, cette rencontre qui l'avait tant troublée, tourmentée et remuée sur le moment. Rencontre qu'elle avait aussitôt effacée de sa mémoire après l'avoir couchée sur le papier. Parce qu'il le fallait. Parce qu'elle devait faire semblant de croire à son histoire du moment. Qu'elle ne voulait plus vivre dans le passé, au Brésil. Qu'elle voulait oublier le mariage annulé avec l'Indien d'Amazonie. Elle voulait oublier le chagrin, la douleur du passé que son Archange du 14 juillet avait rouvert en ouvrant ses lèvres sur un trottoir parisien. Et là, trois ans après, le passé était éternellement présent. Mais l'émotion, l'étincelle qui l'avait attirée vers le beau danseur ce dimanche-là, n'était plus là. Elle resta stupéfaite, gênée, se sentant vaguement coupable de ne pas l'avoir gardé dans sa mémoire. Un Archange était passé. Il avait délivré son message. Et n'avait pas laissé de trace dans son âme. Tout était accompli. Sabia était en paix dans son cœur. Elle avait dit adieu au Brésil et elle ne le savait pas...